Catherine Solano
Médecin
Ses convictions : Chacun doit être encouragé à prendre en charge sa santé physique et mentale car la médecine et les médecins ne peuvent pas tout, loin de là. Et si tout le monde le faisait, les systèmes d’assurance maladie feraient du bénéfice !
Quand je me suis installée à Paris comme jeune médecin, une chose m’a frappée. C’est à quel point j’entendais encore parler de guerres. Pour ma part, la guerre 39-45 et la guerre d’Algérie, c’était très loin, c’était du passé. Et, j'ai réalisé qu’il n’en était pas de même pour tous. Pour certains, la guerre, c’était encore tout près…
En cette période où la guerre fait rage en Ukraine, je ne peux pas m’empêcher d’y penser. Et je me dis que cette guerre laissera encore des traces pendant 50 ou 60 ans. Je me souviens en particulier de quatre patients qui, durant leurs consultations, m’ont raconté des éléments de leur vie liés à ces guerres.
Le sang jusqu’aux genoux…
Un homme me raconte : "Au moment de la guerre 39-45 j’habitais dans le Nord et j’ai connu les bombardements. J’était tout petit, peut-être 5 ans, lorsque cela s’est produit. Et je peux vous dire que j’ai marché dans le sang jusqu’aux genoux, j’ai vu des gens coupés en morceaux. Je ne pourrai jamais l’oublier. Il faudrait d’ailleurs que j’écrive ça un jour..."
Monter à l’assaut
Un autre patient me raconte aussi sa guerre 39-45.
"J’habitais dans le Nord, et à cause des bombardements, nous avons connu l’exode. Nous sommes partis sur la route, mon père, ma mère, ma sœur et moi. Mais les allemands bombardaient les civils sur la route. Et ils tiraient des balles depuis les avions. Ma sœur a reçu une balle en plein cœur. Vous savez, on parle de pousser son dernier soupir. Et bien, j’ai entendu ma sœur pousser un grand soupir… Et elle est morte. Elle avait 18 ans, elle s’appelait Lucienne et c’était une belle jeune fille.
Mon père s’est arrêté dans un village et il y avait une menuiserie et il a voulu fabriquer un cercueil pour elle avec un autre homme. La menuiserie a été bombardée sous nos yeux et mon père est mort aussi ce jour-là. Par la suite, j’ai été mobilisé pour faire la guerre.
Vous ne pouvez pas savoir ce que c’est quand on vous dit «à l’assaut», et que vous savez que vous allez être à découvert et que les allemands vont vous tirer dessus. On nous faisait boire avant. J’ai été blessé à un bras assez gravement. Cela a été ma chance. J’ai été évacué vers l’arrière à Saint-Brieuc à l’hôpital. J’ai été soigné par une jolie infirmière dont je suis tombé amoureux. Mais je n’ai jamais osé me déclarer, j’étais trop timide. Comme mon bras est resté handicapé, je ne suis pas retourné faire la guerre…"
La torture
La disparition
Et pour finir...
Et je ne vous raconte pas tout, j'ai par exemple aussi un patient qui a été torturé, un autre qui est décédé en criant : "ne tirez pas"...
Autant vous dire qu'une guerre laisse des séquelles pendant des décennies, et que j'espère que la plupart d'entre nous en sommes conscient et cherchons à oeuvrer pour la paix...